La Légende du ’’Picart’’
Tiré du livre Contes et Légendes de Saint Jean de Fos Association Lo Picart - 2001
Derrière les remparts, les maisons de Saint-Jean
Autour de son église semblent faire une ronde.
L’Ereau, sorti des gorges, coule paisiblement,
Serpentant gentiment dans la plaine féconde.
Le printemps se termine, c’est la belle saison.
Dans une poignée de jours, ce sera Pentecôte.
Les enfants se préparent à faire la communion
Pendant que dans l’église s’affairent les bigotes.
C’est le blanc qui domine à cette occasion ;
Les arums et les lys garnissent les autels.
Sur les nappes brodées, brillent à profusion
Candélabres d’argent, aux mille et une chandelles...
Mais que se passe-t-il ? N’est-ce pas Églantine
Et son amie Julie qui accourent dès mâtines ?
’’Mon dieu ! Quel Sacrilège ! Quelle profanation !
Les nappes de l’autel ont été déchirées,
Les vases sont brisés et les fleurs, piétinées,
Jonchent toutes les allées ! Serait-ce le Démon ?
Le Diable est dans l’église ! Venez vite, Justin,
Il faut sonner les cloches pour que les paroissiens
Avec fourches et bâtons viennent chasser le Diable !!!!’’
… l’autre jour, en effet, on croyait à la fable
Quand Julie racontait qu’à l’heure du chapelet
Elle avait bien crû voir, derrière un gros pilier,
Une espèce de chèvre – les cornes dépassaient -
Qui avait disparu alors qu’elle approchait …
Entendant le tocsin, les paroissiens accourent
Armés jusques aux dents, formant procession,
Cependant que le prêtre, avec son goupillon,
Asperge d’eau bénite tous les coins du sanctuaire,
Priant en même temps pour chasser Lucifer.
Tout à coup, bondissant de derrière l’autel,
Un étrange animal charge notre curé,
Le piétine et s’enfuit … Alors on se rappelle
La vision de Julie, qui n’avait pas rêvé.
Tous ont bien vu le bouc, ses cornes, sa barbiche !
C’est bien lui, c’est Satan qui saccageait ainisi
Les statues, les tentures, et les autels fleuris !
… .Le moment d’émotion passé, on se regroupe !
Sus au Diable, chassons-le jusque dans ses enfers !
Que nos épieux, nos fourches, s’enfoncent dans sa croupe !
Tuons et supprimons cet animal pervers !
Alors, tous en hurlant se sont mis à ses trousses
Sur le chemin pierreux qui mène à l’Ereau.
« Pica-lou ! » Pica-lou ! » hurlaient tous ces gaillards !
Arrivant sur le pont, le démon cria « Pouce ! »
Mais fourches et épieux le jetèrent à l’eau !...
C’est ainsi que finit l’histoire du ’’Picart’’
Disparu à jamais au fond du gouffre noir.